La coureuse et la bête

Si vous êtes coureur ou coureuse et que vous suivez les réseaux sociaux, vous aurez peut-être aperçu que la grossesse c’est tendance en course à pied. Elles affichent un ventre plus qu’arrondi, ont couru des marathons en duo avec leur bête et clament fièrement qu’elles ont couru jusqu’à 2 jours avant l’accouchement. J’ai moi-même couru jusqu’à 8 mois de grossesse.

Badass?

J’ai eu quelques commentaires inquiets (pour bébé, pour moi et pour mon plancher pelvien). Globalement ça a bien été. J’ai ralenti évidemment et diminué le volume de course à pied. Heureusement que mon volume était élevé avant que la bête ne se pointe, il m’en restait encore pas mal après avoir coupé dans les sorties longues et les intervalles de vitesse. Mentalement ça a été plus difficile. Je devais ralentir alors que je voyais les autres continuer à progresser… et me dépasser! Contente pour eux, découragée pour moi.

Ai-je été naïve ou prétentieuse, une fois la bête dehors, je pensais que tout reprendrait comme avant. Que ce serait facile. Pour avoir été blessée sérieusement en course à pied (fracture de stress automne 2016 et arrêt total pendant 8 semaines), je peux vous dire que dans mon cas, une blessure c’était facile à gérer en comparaison de la période post-partum. Et cette période post-partum dure…? J’écris ces lignes alors que la bête n’a pas encore 5 mois. Oui la bête est toute petite mais annonce à un coureur qu’il va avoir plus de 5 mois de sorties de m..de et tu verras sa tête se décomposer.

Le 7 janvier 2019, la bête se décide à sortir.

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Tout s’est très bien passé. Comme je suis informée correctement (non pas grâce à mon médecin mais à ma culture féminine que j’ai acquise sur le tard), je sais que je dois reconstruire mon plancher pelvien. Je l’avais entraîné pendant la grossesse mais il faut repartir de zéro puisque la bête détruit tout sur son passage. 6 semaines. Vous aurez peut-être lu ou entendu que 6 semaines après la sortie de la bête vous pouvez reprendre l’activité physique comme vous l’entendez. Et comme j’ai bossé, je me vois reprendre la course à pied. Avec un retour progressif tout de même. Mais la physiothérapeute qui m’aide à reconstruire les fondations m’informe que non, il serait vraiment préférable madame d’attendre encore. Je vous avoue que je pleure dans son bureau. Mais je suis sage et je patiente. Je marche et je contracte mon plancher pelvien.

Le 11 mars j’obtiens le laisser passer. J’ai un plancher pelvien assez fort pour courir sans forcer. J’entame un retour progressif. Tout se passe bien. Je cours! La fille est contente. Je fais même une course de 5km avec dossard le 27 avril et je réussis à être dans l’objectif que je me suis fixé : tout juste sous les 30min. Je veux pousser la machine. Je commence un programme avec intervalles et sorties plus longues. Et c’est là que tout fout le camp. La bête avait allongé un peu les heures de sommeil de nuit mais décide de faire un retour en arrière. C’est sympa cette petite collation à 1h du matin, puis à 4h… Et moi j’ai accumulé une dette de sommeil ces 4 derniers mois que même la banque de fer ne pourrait pas rembourser. Alors courir dans ces conditions devient difficile. Le corps ne suit plus. Le cœur m’insulte et la tête n’est plus là. Je m’accroche pourtant. Je cours toujours. J’ai peine à croire ces dernières semaines que je retrouverai un jour ma vitesse et mon endurance. Mais je ne veux pas abandonner.

Je n’écris pas ces lignes pour me plaindre. J’écris plutôt pour vous dire que tout n’est pas si facile que ce que les réseaux sociaux pourraient nous faire croire. Pour certaines, le retour à la course post-partum sera plus facile que pour moi et tant mieux. Mais d’autres se heurteront à des murs. Je suis dans le mur présentement. Comme ceux qui vivent le mur du marathon, j’ai épuisé mes réserves et des pensées d’abandon m’assaillent, j’ai mal. Il paraît que la ligne d’arrivée n’est pas si loin et qu’il faut continuer. Alors à celles qui vivent ou qui vivront cette période difficile, accrochez-vous!

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